En quinze jours, la «westernisation» de l’alimentation pratiquée sur vingt Sud-Africains a augmenté les biomarqueurs de risque de cancer du côlon.

Le fait que l’alimentation occidentale augmente le risque de cancer du côlon n’est pas nouveau. Ce qui l’est, en revanche, c’est la rapidité avec laquelle le tube digestif modifie son profil de risque lorsque change d’alimentation: deux semaines suffisent!

Voilà des années que le Pr Stephen O’Keefe, spécialiste de nutrition et de gastro-entérologie à l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie), cherche à comprendre pourquoi les Afro-Américains ont un risque élevé de cancer du côlon (65 nouveaux cas pour 100.000 personnes par an) alors qu’il est bas en Afrique (5 pour 100.000 à la campagne). «Les études de migrations, comme celle portant sur des Japonais venus à Hawaï, ont montré qu’il suffisait d’une seule génération pour que l’incidence du cancer du côlon chez la population migrante rejoigne celle chez la population occidentale d’accueil», explique-t-il.

Il vient de publier, dans la revue Nature Communications du 28 avril, les résultats d’une étude qui explique peut-être la rapidité de ces changements. Avec des confrères de plusieurs universités américaines, néerlandaise, finlandaise et d’Afrique du Sud, il a pendant deux semaines interverti l’alimentation de quarante hommes âgés de 50 à 65 ans, tout en les soumettant à des prélèvements de flore (microbiote) et de cellules de la paroi intestinale par coloscopie, avant et après ce régime.

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Vingt Sud-Africains ont ainsi adopté une alimentation «westernisée», c’est-à-dire plus riche en protéines animales et en graisses, tandis que vingt Afro-Américains se voyaient «africanisés», selon les formules des auteurs, avec une alimentation plus riche en fibres et plus pauvre en graisses. Le profil de risque de cancer du côlon s’est amélioré avec l’africanisation de l’alimentation alors qu’il s’est détérioré avec la westernisation.

Une véritable bombe à retardement

Des résultats impressionnants, selon Ellen Kampman, professeur de nutrition et cancer à l’université Wagenigen (Pays-Bas), interrogée par Le Figaro: «À ma connaissance, c’est la première étude qui montre que la modification du régime alimentaire a des effets aussi remarquables et rapides (en deux semaines!) sur le microbiote intestinal et les métabolites. Ces modifications ont été associées à des changements dans le côlon qui peuvent modifier le risque de cancer du côlon.»

En 2011, le Pr Kampman avait collaboré à une vaste méta-analyse (synthèse des études de qualité publiées) confirmant l’augmentation de risque pour ceux qui consommait moins de 50 g de fibres par jour. Autant dire la majorité des Occidentaux. «En France, la consommation moyenne est d’environ 19 g/j, explique le Dr Laurent Chevallier, médecin nutritionniste à Montpellier. Si l’on augmente déjà à 30 ou 35 g/j, le bénéfice se fera sentir. Au-delà, il y a des problèmes de tolérance digestive.»

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Avec cette distinction à faire selon que les fibres sont solubles ou non. «Très schématiquement, explique le Dr Chevallier, les fibres dures, celles qui favorisent le transit intestinal, sont dans la peau des fruits et légumes, alors que les fibres solubles, favorables au microbiote intestinal, se trouvent dans leur pulpe. D’où l’intérêt des campagnes du PNNS (plan national nutrition santé) sur l’importance de consommer des fruits et légumes qui comportent notamment les deux types de fibres.»

L’étude d’O’Keefe et de ses confrères ne permet pas de trancher entre le bénéfice dû à l’augmentation des fibres ou celui résultant de la réduction des protéines et des graisses animales. «Elle confirme en tout cas, remarque le Pr Kampman, l’importance de l’alimentation et ses effets sur la flore intestinale pour maintenir notre côlon en bonne santé. Elle alerte aussi sur le danger majeur d’accroissement du risque de cancers colorectaux en Afrique devant la modification rapide des habitudes alimentaires.»

Une véritable bombe à retardement pour les pays africains, qui ne bénéficient pas des mêmes programmes de dépistage organisé du cancer colorectal que les pays occidentaux.

Source: Le figaro.fr (Santé)